Le Casino de Monaco : ses artistes et ses jeux
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Les artistes et le jeu à Monaco. Parce que jouer est un art.

Publié le Avril 11, 2024Mis à jour le Avril 18, 2024

Ils sont venus. Ils ont vu. Ils ont gagné... ou perdu. Artistes-peintres ou de cabaret, actrices et acteurs ou encore virtuoses de l’art politique : toutes et tous ont tour à tour succombé aux beautés de la Principauté, à son art de vivre... et du jeu ! Retour en mots et anecdotes sur certains des artistes les plus « joueurs », venus frissonner autour des tables de jeu mythiques du Casino de Monte-Carlo

Francis Bacon ou l’art de défier le hasard 

De 1946 à 1950, Francis Bacon devient résident monégasque. Il arrive en Principauté avec sa nourrice Jessie Lightfoot, son amant et mécène Eric Hall... et 200 livres sterling, fruit de la vente à Londres de son œuvre Painting 1946. Alors que l’art de vivre et l’air marin de la Côte d’Azur soignent son asthme, l’artiste irlandais tombe sous le charme du Carré d’Or de Monaco : ses magnifiques jardins paysagers, ses palmiers, ses bassins... et son casino où il apprendra à défier le hasard. L’artiste trouve dans le jeu, dans ce va-et-vient entre exaltation et abattement, quelque chose de similaire aux émotions que lui procurent la peinture et le processus créatif. Francis Bacon ne cessera par la suite de se rendre à Monaco, jusqu’en 1990 où il y passe son dernier séjour. Une relation fidèle que la Principauté a souhaité honorer en inaugurant en 2014 la Francis Bacon MB Art Foundation, seule fondation Bacon au monde. 

© Eddy Batache - Francis Bacon et un ami Reinhard Hassert, sur les terrasses du Casino de Monte-Carlo, novembre 1981 - Courtesy Francis Bacon MB Art Foundation Monaco/MB Art Collection

« Je me souviens de la première fois où j’ai séjourné à Monte-Carlo, confie-t-il lors d’une de ces célèbres entrevues avec le critique d'art David Sylvester. J’étais complètement obsédé par le Casino et j’y passais des journées entières […] »
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Edvard Munch... un tapis sur une toile  

Avant Francis Bacon, un autre peintre avait déjà succombé aux charmes du Rocher et à la passion du jeu : en 1890, Edvard Munch, pionnier de l'expressionnisme, quitte sa ville natale pour rejoindre la France. Après un bref passage dans un Paris saisi de froid, l’artiste part rejoindre le sud de la France et ses douceurs méditerranéennes. À Nice d’abord, mais aussi à Monaco où, miné par des problèmes d’argent, le peintre vient tenter sa chance aux tables de jeu... La roulette, notamment, lui fait tourner la tête au point que l’artiste lui consacre en 1892 une toile À la table de la roulette à Monte-Carlo qui, à elle seule, restitue toute la frénésie et le glamour des jeux de roulette au XIXe siècle. Joueur chevronné, il deviendra vite un invité assidu du Casino de Monte-Carlo dont les intérieurs nourriront son inspiration pour plusieurs de ses tableaux.  

© Munch-museet/Munch -Ellingsen Gruppen/Bono

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Marcel Duchamp comme sur des roulettes 

C’est un Marcel Duchamp déjà auréolé de ses ready-mades qui, dans les années 1920, choisit de reposer un temps sa folle créativité pour se consacrer aux jeux d'argent au Casino de Monte-Carlo. Mais voilà que le feu follet normand, le cerveau toujours en ébullition, annonce avoir mis au point un système infaillible pour gagner de l’argent à la roulette. En émettant des bons « Roulette de Monte-Carlo » de 500 francs, l’artiste, décidément très joueur, espère pouvoir se constituer un capital de 15 000 francs. Réelle espérance ou énième provocation ? Chaque obligation exhibe un portrait de Marcel Duchamp : une photographie de son ami Man Ray figurant l’artiste la figure peinturlurée de mousse. En arrière-plan, dans une succession de lignes ininterrompues afin d’empêcher toute falsification, on peut lire ces mots absurdes : « Moustiques domestiques demistock. » Enfin, chaque titre porte la signature de l’artiste ainsi que celle de son célèbre pseudonyme féminin Rrose Sélavy. Autant vous dire que si les quelques acheteurs de ces invraisemblables obligations n’ont probablement jamais récupéré leurs mises, leurs héritiers se sont retrouvés propriétaires d’œuvres artistiques absolument uniques. Imaginez que l’un des originaux s’est encore retrouvé vendu plus de 2 millions de dollars US lors d'une vente à New York en 2015 ! 

La Belle Otero, ruinée par le démon du jeu 

« Quand un homme est riche, il n’est plus laid », avait-t-elle l’habitude d’affirmer. C’est dire la haute estime de Caroline Otero pour la gent masculine ! Le jeu, voilà le seul et véritable amour d’Agustina del Carmen Otero Iglesias, de son vrai nom. Une passion chevillée au corps depuis qu’elle a 18 ans et qui ne la quittera jamais. Après avoir ravagé les cœurs du Tout-Paris en jouant les belles étrangères sur les planches des Folies Bergère, la beauté fatale devient la « Belle Otero », chanteuse, danseuse et courtisane sulfureuse de la Belle-Époque. C’est en 1915, alors en pleine lumière, qu’elle décide de se retirer à Nice, dans sa Villa Caroline. Elle se rend alors régulièrement au Casino de Monte-Carlo au bras de ses soupirants, grands aristocrates, hommes politiques et autres têtes couronnées. Des amants fortunés qui, sous le charme, n’hésitent pas à tirer d’affaire la jeune femme, souvent dépassée par des pertes colossales... Au point de sombrer dans la ruine à la fin de sa vie. 

Sarah Bernhardt, le jeu ou la vie 

Autre femme à avoir marqué l’histoire de la Principauté et du Casino de Monte-Carlo, La Divine Sarah Bernhardt. L’actrice a ses habitudes à l’Hôtel de Paris Monte-Carlo et elle est la première artiste à fouler les planches de l’Opéra Garnier Monte-Carlo qu’elle inaugure un jour de janvier 1879. Un opéra qui garde à jamais son empreinte : une statue allégorique du Chant réalisée par Sarah Bernhardt – la sculpture comptait parmi ses nombreux talents ! – et commandée par Charles Garnier lui-même. Ceux qui l’ont côtoyée évoquent une femme libre, intrépide et fantasque, à la vitalité démesurée. À l’image de ce soir où elle se rend au Casino de Monte-Carlo avec toute sa fortune, soit 100 000 francs or. Trois heures plus tard, elle en ressort ruinée. Désespérée, elle regagne sa chambre à l’Hôtel de Paris Monte-Carlo, avale une poignée de somnifères. Un ami lui sauvera la vie et la mise en lui prêtant la somme perdue...

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Sean Connery et Pierce Brosnan, les rois du Casino 

Quand le Casino de Monte-Carlo fait son cinéma... À maintes reprises, le prestigieux établissement s’est en effet retrouvé sous les feux de la rampe du septième art, et ce, toujours en élégante compagnie. À l’instar de Sean Connery en inoubliable agent 007 dans Jamais plus jamais. L’occasion de voir l’acteur danser le tango avec Kim Basinger dans le grand atrium du casino qui donne d’un côté sur les salles de jeu, de l’autre sur l’Opéra Garnier Monte-Carlo. Difficile de ne pas mentionner également l’arrivée légendaire d’un autre James Bond sur la Place du Casino : Pierce Brosnan dans l’incontournable Golden Eye, juste avant d’aller affronter Famke Janssen lors d’une partie de baccara, qu’il remporte avec un... 006. Depuis, le casino arbore des machines à sous estampillées James Bond™, afin de célébrer et de perpétuer l’esprit du célèbre agent britannique éternellement lié au Casino de Monte-Carlo.  

© Keith Hamshere

© Monaco Tribune

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Winston Churchill... et au milieu une guerre 

Véritable artiste de la politique, il est l’une des personnalités les plus emblématiques de l’histoire du XXe siècle. Officier, député, écrivain, maçon, éleveur, artiste peintre, journaliste, Premier ministre, stratège et diplomate, Winston Churchill demeure également l’un des plus beaux perdants du Casino de Monte-Carlo ! Ayant fait de la Côte d’Azur l’un de ses lieux de prédilection, il est, de 1913 à 1963, un hôte fidèle de la Principauté, sachant saisir chaque occasion pour venir profiter des paysages méditerranéens de Monaco... et de quelques parties au casino. L’une d’elles est restée dans l’histoire et dans la légende. Une partie entamée en 1939, interrompue par la guerre et achevée en 1945. Revenu s’asseoir à la table de jeu, Winston Churchill aurait alors déclaré : « Messieurs les croupiers, reprenons la partie là où nous l’avions laissée ! » Finalement, une guerre gagnée mais, malheureusement, une partie perdue pour l’homme d’État. Pertes estimées à 1,3 million de francs. Cependant, le Directeur du Casino de Monte-Carlo a décidé de lever la dette du héros de guerre, mais de garder le chèque en souvenir du « vieux lion » pour Monte-Carlo Société des Bains de Mer. 

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