Publié le Mars 06, 2024Mis à jour le Mars 14, 2024
Au cœur de la Principauté de Monaco, Denis Allemand et le Centre Scientifique de Monaco (CSM) mènent une quête passionnée pour comprendre et préserver les coraux, ces mystérieux organismes marins au rôle écologique crucial. Depuis plus de trois décennies, le CSM s'est affirmé comme un leader mondial dans l'étude des coraux, explorant leur diversité biologique complexe qui s'étend bien au-delà de l'image des récifs coralliens tropicaux. Plongez dans l'histoire fascinante du corail, de ses origines mystiques à sa classification scientifique, et découvrez comment science et luxe se rencontrent pour la sauvegarde de la beauté naturelle et de la biodiversité marine.
Parlez-nous du lien entre le CSM et le corail ?
Denis Allemand : Le Centre Scientifique de Monaco, qui est l’agence de la recherche de la Principauté de Monaco, développe depuis plus de 30 ans d’importants travaux sur les coraux. Il est ainsi devenu, au fil des années, l’un des laboratoires pilotes dans le monde. Ce terme de « corail » n’a pas de réalité zoologique: il désigne de nombreux organismes, certes apparentés, mais souvent aussi éloignés les uns des autres que la chauve-souris peut l’être de l’éléphant. Si, aujourd’hui, quand on parle corail, on pense surtout aux récifs de coraux et aux plages paradisiaques qui les bordent, historiquement ce terme a été élaboré pour désigner le corail rouge de Méditerranée.
Que savons-nous actuellement sur les coraux ?
Denis Allemand : Le nom corail viendrait de l‘hébreu goral signifiant pierre magique. Les Grecs le transformeront en korallion, « j’orne », devenu en latin corallium, toujours utilisé pour définir le corail rouge. Il a par la suite été appliqué aux autres coraux, dont les coraux constructeurs de récifs. Mais pour ces derniers, il a fallu attendre le XVIe siècle pour que les explorateurs s‘intéressent aux récifs qui constituaient des risques pour la navigation. On ne savait pas encore que ces derniers étaient construits par des animaux. C’est un médecin marseillais, le Dr Jean-André Peyssonnel, qui au XVIIIe siècle mettra fin à un long débat commencé avec Pline l’Ancien sur la nature du corail rouge, pierre, plante ou animal ? Peyssonnel sera le premier à reconnaître sa nature animale, observation ensuite étendue aux autres coraux.
Qu’appelle-t-on exactement le corail précieux ?
Denis Allemand : Le corail rouge fascine l’Homme par sa couleur depuis les temps préhistoriques, d’où son appellation de corail « précieux ». Tout à la fois œuvre d’art profane ou religieuse, bijou, talisman et remède, le corail rouge a fait l’objet tout d’abord de récoltes, puis de pêches commerciales dès le Xe siècle, avec des pics de production d’une centaine de tonnes par an pour la Méditerranée à la fin des années 1970. De nos jours, une vingtaine de corailleurs est habilitée à pêcher le corail sur les côtes françaises, car cette activité fait l’objet de réglementations strictes. Mais le corail rouge souffre d’autres menaces. En effet, le braconnage et le réchauffement des eaux induisent des phénomènes de mortalité massive, d’où la nécessité de mettre en place des programmes de conservation, tout en permettant aux pêcheurs de continuer à vivre de leur métier. Malheureusement, les connaissances scientifiques sur la biologie des coraux précieux en général, et du corail rouge en particulier, restent encore limitées.
Comment dans ce contexte s’est tissé le partenariat avec la Maison Chanel ?
Denis Allemand : Forte de l’expertise du CSM développée depuis la fin des années 1980, la Maison Chanel, pour laquelle la protection des océans est primordiale, a souhaité s’associer à notre centre pour créer la première Unité de Recherche entièrement dédiée aux coraux précieux. Implantée dans les locaux du CSM, cette unité a pour objectif de développer des programmes de recherche fondamentale, afin de mieux comprendre certains processus clés de la vie du corail rouge, dans le but de protéger cette espèce.
Le corail rouge et les perles sont des matières utilisées en joaillerie et, chez Chanel, nous avons pour mission de contribuer à leur préservation, dans un contexte de changement climatique et de pollution plastique, explique Frédéric Grangié, président de Chanel Horlogerie & Joaillerie. Concernant le corail rouge de Méditerranée, nous sommes très heureux de partager ce partenariat avec le Centre Scientifique de Monaco. Sur ce projet, notre principal objectif est de pouvoir contribuer, en tant que marque de luxe, à la préservation de cette ressource naturelle, et de trouver des alternatives permettant au secteur de la joaillerie d’utiliser du corail rouge sans puiser dans les stocks, car nous le savons, le corail rouge pousse à une vitesse très lente de 1 mm par an ! Notre responsabilité est de pérenniser cette ressource sans impacter le milieu naturel.
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