Alfonso Ciulla Directeur Artistique SBM
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Rencontre avec

Alfonso Ciulla : Le live à Monaco, entre partage et proximité

Publié le Mai 29, 2024Mis à jour le Juin 05, 2024

La culture, Monaco l’a toujours voulue à son image : vivante et trépidante ! Alfonso Ciulla, nouveau directeur artistique de Monte-Carlo Société des Bains de Mer, compte bien garder le rythme en continuant à faire de la Principauté la terre d’exception et de prédilection des plus grandes stars internationales. Il nous partage ses premières sensations ainsi que ses visions artistiques quant à l’avenir du live au sein de l’effervescente Cité-État.

La vie culturelle monégasque, le spectacle vivant en particulier, c’est un univers que vous connaissez bien...

Alfonso Ciulla : J’ai passé 23 ans à la direction artistique du Grimaldi Forum de Monaco. J’avais donc déjà une bonne connaissance des différents directeurs artistiques de Monte-Carlo Société des Bains de Mer. Bernard Lion, Jean-René Palacio, Jacques Provence puis Gilles Marsan... Nous nous connaissions bien. Aussi lorsque j’ai eu cette opportunité de prendre la suite de leur travail au sein du Resort, je n’ai pas hésité une seconde. Un changement de cadre important certes, mais disons que je maîtrise assez bien les rudiments du métier [rires]. Si ce n’est peut-être qu’au Grimaldi Forum, l’approche se veut purement culturelle, à l’image de son exposition annuelle. Alors qu’au sein de Monte-Carlo Société des Bains de Mer, la place dédiée au spectacle et à la musique live est bien plus importante.

Hall du Grimaldi Forum Monaco

Dans quel état d’esprit appréhendez-vous ce nouveau défi ?

Alfonso Ciulla : Les six mois de collaboration avec Gilles Marsan ont été l’occasion de me familiariser avec la méthodologie de travail propre à la direction artistique du Resort. Mais aussi de faire connaissance avec les équipes, soit près de quarante personnes, équipes techniques et administratives confondues. Si la méthodologie pour organiser un concert reste partout la même, il s’agissait de trouver ma place au sein de ce processus et de cette méthodologie afin de pouvoir insuffler ma propre vision des choses. Mais je suis plutôt partisan d’une gestion collaborative. Je ne suis pas vraiment adepte du management vertical mais plutôt des échanges mutuels et mutualisés. J’apprécie que l’on prenne des initiatives, que l’on se concerte les uns, les autres. Si un ingénieur du son ou de la lumière vient m’apporter ses idées, je prends ! C’est comme cela que j’ai l’habitude de travailler. C’est, me semble-t-il, une approche bien plus enrichissante pour tout le monde.

Alfonso Ciulla et Gilles Marsan

Quels ont été les mots de Gilles Marsan à votre égard et comment allez-vous négocier cette succession ?

Alfonso Ciulla : Gilles Marsan et moi connaissons bien le métier. Tout cela s’est donc fait très naturellement. Pour la suite, ce sera « le changement dans la continuité », comme dirait l’autre. Plus sérieusement, chaque direction artistique essaie d’exprimer sa sensibilité mais il y a des choses que l’on ne peut pas ou que l’on ne veut pas changer.

 

 © La Gazette de Monaco

« Chaque direction artistique essaie d’exprimer sa sensibilité... »
Gilles Marsan ancien Directeur Artistique de la SBM

À quoi pensez-vous ?

Alfonso Ciulla : Au dîner-concert du Monte-Carlo Summer Festival par exemple. Ce dîner-spectacle à la Salle des Étoiles du Sporting Monte-Carlo, c’est véritablement l’ADN du festival. Et si certains artistes restent frileux à l’idée de se produire face à un public attablé, il y en a beaucoup d’autres, même parmi les jeunes générations, qui prennent un réel plaisir à venir jouer sur la scène de cette salle mythique et dans ce contexte si particulier. C’est un concept unique ! On ne peut pas toucher à cet ADN-là. Lorsque vous imaginez que Frank Sinatra, Sammy Davis Jr. et consorts sont passés par là, il faut respecter l’aura historique de cette salle. Au même titre que l’Olympia à Paris ou le Royal Albert Hall à Londres, cette Salle des Étoiles compte parmi les scènes cultes du monde. Les artistes le savent, ils en parlent ! C’est un lieu intemporel qui traverse les époques avec style et élégance.

Concert Robbie Williams Monte-Carlo Summer Festival – Monaco

Mais alors comment se démarquer en tant que directeur artistique ?

Alfonso Ciulla : On peut toujours instaurer un peu de nouveauté mais il faut y aller par petite touche. Par exemple, cette année, nous allons programmer un spectacle de stand-up, ainsi qu’un duo de concerts de Lenny Kravitz... debout ! Un sacré pari car la Salle des Étoiles, une fois vidée de ses tables et de ses chaises, c’est tout de même une jauge de 1500 personnes par soir à remplir. Ce sont des prises de risques, évidemment, mais si on ne prend pas de risques on ne peut pas avancer. Et il s’agit selon moi d’essayer de jongler avec les genres, les sensibilités et les publics. Le Monte-Carlo Summer Festival, c’est un show intergénérationnel. Avec quelqu’un comme Lenny Kravitz, vous touchez un spectre d’audience très large. Ce n’est pas seulement une rock star, c’est aussi un acteur, une icône de mode. Avec Jorja Smith, c’est déjà plus pointu. Et nous aurons un public encore différent pour Duran Duran.

Feu d'artifice sporting Monte-Carlo Summer Festival

Et qu’en est-il de l’autre pilier musical de la saison, le Monte-Carlo Jazz Festival en novembre ?

Alfonso Ciulla : Après la Salle des Étoiles, on passe à l’Opéra Garnier Monte-Carlo, un lieu tout aussi chargé d’histoire et d’énergie ! Simplement, la démarche s’avère peut-être un peu plus simple pour le Monte-Carlo Jazz Festival. Vous avez un genre à respecter, même si le jazz a ce côté versatile, se nourrissant de tout ce qui l’entoure. On peut ainsi assez naturellement tirer des passerelles pour aller flirter du côté de la pop, du rock ou même de l’électro. C’est ce qui rend ce genre si séduisant. Mais là encore, ce festival, de par son élégance, constitue une belle vitrine de l’énergie artistique déployée en Principauté. Je n’ai jamais vu un artiste ressortir de cette scène de l’opéra sans avoir les yeux remplis d’étoiles et c’est toujours un plaisir de les faire venir, même à contre-emploi. Le 15 juin 2024, hors festival, nous y accueillerons par exemple le groupe Air pour un concert exceptionnel. C’est typiquement un mélange que j’adore. Ils succèderont à l’artiste indienne Anoushka Shankar qui nous avait honorés de sa présence en avril dernier.

Monte-Carlo Jazz Festival Monaco

Des nouveautés également pour ce Monte-Carlo Jazz Festival ?

Alfonso Ciulla : Depuis deux ans maintenant, nous organisons des befores et des afters au Café de la Rotonde, au cœur de l’Atrium de l’Opéra Garnier Monte-Carlo. De quoi étirer davantage encore ces moments d’échanges musicaux. Et côté programmation, nous collaborons avec Reno Di Matteo, co-programmateur. Ensemble, nous essayons d’élaborer des plateaux d’artistes qui matchent, entre premières parties et têtes d’affiche. C’est vraiment un plaisir d’entremêler nos sensibilités et ainsi de sortir du spectre « jazz » pur et dur. Nous aurons ainsi cette année de très belles affiches, entre artistes 100 % jazz mais aussi quelques flashbacks aux couleurs pop, du jazz... Ce sera très varié. Et cela reste à finaliser mais nous souhaiterions mettre en place un ciné-concert.

Casino de Monte-Carlo - Café de La Rotonde - 2019
Monte-Carlo Jazz Festival Monaco

Monte-Carlo Société des Bains de Mer, ce sont aussi de nombreux événements répartis dans l’ensemble de ses établissements...

Alfonso Ciulla : Oui et cela représente un travail colossal dont on ne prend pas toujours la mesure. Le temps d’une saison, tous événements confondus, pas moins de 750 spectacles et concerts live sont organisés au sein des établissements de Monte-Carlo Société des Bains de Mer. C’est phénoménal ! Au quotidien pour nos équipes, cela consiste à rechercher des artistes, à organiser leurs venues, à mettre en place la logistique nécessaire... Cela va de l’anniversaire privé au show grandiose des festivals en passant par les animations musicales au Casino de Monte-Carlo, dans la Salle Empire de l’Hôtel de Paris Monte-Carlo ou bien encore les diverses soirées organisées dans les bars lounge du Resort. Au final, il y a toujours du spectacle live en Principauté. C’est difficile à réaliser mais il me semble important d’insister sur ce flot ininterrompu de musique alimenté et géré toute l’année par les équipes de la direction artistique de Monte-Carlo Société des Bains de Mer. C’est assez fou !

événement musical Monaco

Quid des nouveaux lieux qui ouvrent leurs portes cette année tels que l’Amazónico Monte-Carlo ou le New Moods : de nouveaux temps forts en perspective ?

Alfonso Ciulla : L’Amazónico Monte-Carlo est un cas à part dans la mesure où il dispose de sa propre direction artistique. Les spécificités de leur concept musical exigent une DA véritablement sur mesure. Libre à nous par contre d’être force de propositions, en support à leur côté. Concernant le New Moods, en revanche, c’est notre périmètre à 100 %. Et tout l’enjeu sera de lui insuffler une identité propre afin de ne pas venir « perturber » les autres lieux. Il viendra ainsi prendre le relais en après-saison, d’octobre à mars environ, du jeudi au samedi. Important de le préciser : il s’agit d’une salle de concert, pas d’un bar ou d’un restaurant où l’on peut écouter de la musique. Vous y trouverez essentiellement du rock, du blues, de la folk, du funk, du R'n'B et de la world music. On y organisera aussi quelques stand-ups dans l’esprit comedy club. Au final, je vois vraiment le New Moods comme un club « à l’ancienne » mais où vous pourrez déguster de la finger food élaborée par Marcel Ravin !

Amazonico Monte-Carlo

Que représente pour vous le mot live ?

Alfonso Ciulla : C’est avant tout une proximité avec les artistes et la musique. Quelque chose que l’on a tendance à perdre de vue dans ces grandes salles pharaoniques, ces immenses Arena où l’on est tenu très à distance des artistes et où le spectaculaire prend parfois le pas sur la qualité visuelle et acoustique. Or, que ce soit dans la Salle des Étoiles ou à l’Opéra Garnier Monte-Carlo comme au New Moods, vous êtes toujours en communion avec les artistes et ce avec une qualité sonore toujours optimum pour vivre une expérience live la plus immersive possible. Cet échange que je favorise dans le travail, je souhaite qu’on le retrouve également dans les événements live de Monte-Carlo Société des Bains de Mer.

Découvrez le programme des concerts et spectacles de Monaco

Concert MIKA Monte-Carlo Summer Festival 2023

Que disent les stars internationales de Monaco, artistiquement parlant ?

Alfonso Ciulla : Que du bien ! Mais au-delà de l’artistique, cela tient surtout je pense à l’aura générale qui se dégage de cette incroyable cité-État et ses inégalables glamour et élégance. Cela tient à son histoire, à celle de Monte-Carlo Société des Bains de Mer, de ses établissements et des personnalités hautes en couleur qui y ont été accueillies.

 

C’est ce qui fait selon vous que les arts font partie de l’ADN de Monte-Carlo Société des Bains de Mer ?

Alfonso Ciulla : Tout à fait. Avec les jeux, le développement des arts et de la culture en général fait partie depuis toujours de la vocation de Monte-Carlo Société des Bains de Mer. Que ce soit la musique, la danse mais aussi la peinture, la littérature. Toute la culture coule dans les rues de Monaco.

F(ê)aites de la Danse
Vue Principauté de Monaco

Quel est le lieu monégasque le plus inspirant pour vous ?

Alfonso Ciulla : Là encore, j’évoquerais Monaco dans sa globalité. La superficie de cette cité-État m’apparaît inversement proportionnelle à son activité culturelle et à sa créativité. La ville tout entière est inspirante. J’ai par exemple récemment redécouvert le quartier de Fontvieille ! Chaque endroit est un concentré d’énergie et de souvenirs.

« La ville tout entière est inspirante. »

En collectionneur de vinyles et CD passionné que vous êtes, votre top 3 ?

 

C’est horrible comme exercice ! Mais, côté vinyles, je dirais :

 

- What Color is Love de Terry Callier. Un album de 1972 à la pochette sublime. Et un album à l’équilibre parfait, louvoyant entre romantisme et morceaux plus enlevés.

 

- Parce que ma mère écoute beaucoup d’opéra, je citerais I Pagliacci de Ruggero Leoncavallo ou Cavalleria Rusticana de Pietro Mascagni. Cela me rappelle l’Italie, la Sicile.

 

- Enfin je garderais Histoire de Melody Nelson, chef-d’œuvre de Serge Gainsbourg. Rien que de citer le titre, j’en ai la chair de poule. C’est une véritable merveille à l’orchestration et aux arrangements sublimissimes.

 

Et côté CD, j’ai notamment récolté au gré de mes presque 25 ans de métier toute une collection d'EP et autres démos « promo » que m’envoyaient les artistes – le streaming n’était pas encore là ! – et dans laquelle je me replonge de temps en temps. Beaucoup de souvenirs là encore !

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