Publié le Janvier 03, 2024Mis à jour le Juin 11, 2024
Deux décennies passées auprès des clients de l’Hôtel de Paris Monte-Carlo : longtemps Patrice Frank a conseillé et accompagné les convives sur leurs choix de vin. Il aborde désormais l’art de l’œnologie à la source. En qualité de chef sommelier exécutif, rôle clef dans le Resort, c’est lui qui assure l’approvisionnement des Caves de l’Hôtel de Paris Monte-Carlo. Temple de l’excellence et de l’expertise en matière de vins et d’alcools et cave centrale de Monte-Carlo Société des Bains de Mer, ce lieu mythique fête cette année ses 150 ans.
150 ans dédiés aux nectars divins, à leur histoire, à leur conservation et à leur dégustation dans les règles de l’art ! Portrait d’un professionnel passionné.
Ses tout premiers jours à l’Hôtel de Paris Monte-Carlo, en qualité de chef sommelier, Patrice Frank s’en souvient bien. Vingt-trois ans avant de devenir le chef sommelier exécutif de l’ensemble des établissements de Monte-Carlo Société des Bains de Mer, l’ancien joueur international, catégorie moins de 20 ans, devenu spécialiste du service des vins, faisait ses premiers pas au mythique Casino de Monte-Carlo, trois jours avant le Grand Prix de Formule 1 de Monaco ™. Un week-end chargé l’attend : 1200 convives, l’ambiance folle de la Formule 1, et une toute nouvelle atmosphère de travail. « Je venais d’un restaurant étoilé Michelin à Cognac, où j’étais chef sommelier, nous étions deux à nous occuper du service des vins, se souvient-il. À l’Hôtel de Paris Monte-Carlo, tout s’est multiplié : nous étions 14 sommeliers à mon arrivée, quant à la cave, elle était 300 fois plus imposante que dans mon précédent établissement. »
C’est un parcours atypique qui a mené Patrice Frank des terrains de rugby des Charentes jusqu’à la prestigieuse Cave de l’Hôtel de Paris Monte-Carlo. Inscrit au lycée en section sport-études, titulaire ensuite d’un baccalauréat général, l’homme part faire son droit à Bordeaux. Un choix de ville sans rapport avec les vignobles qui l’entourent. « Mes beaux-parents d’alors étaient propriétaires d’un restaurant à Cognac, et ils cherchaient du personnel pendant la saison pour leur donner un coup de main, précise-t-il. Et l’expérience m’a plu. » Plutôt que de se réinscrire en droit en septembre, le jeune homme préfère se former aux métiers du service, et passe donc par les étapes obligatoires de la profession : CAP, BEP de salle, mention sommellerie. Cette venue « tardive » au vin, et l’univers du sport de haut niveau, nourrissent la personnalité de ce passionné : « Dans la continuité du rugby, je trouve que les valeurs de partage, de convivialité et de relations humaines se retrouvent dans mon management aujourd’hui. »
Depuis quelques mois, Patrice Frank a changé de poste, mais pas de mentalité, au sein de Monte-Carlo Société des Bains de Mer. Après vingt-trois ans auprès des clients de l’Hôtel de Paris Monte-Carlo, c’est vers les vignerons que le portent désormais ses attributions. En qualité de chef sommelier exécutif pour l’ensemble du Resort, le spécialiste du vin gère en particulier la relation aux fournisseurs viticoles. Avec 38 lieux où le vin peut être servi, du bar d’hôtel aux restaurants étoilés, et une cave centrale comportant près de 300 000 bouteilles et de nombreuses références, l’approvisionnement apparaît comme particulièrement stratégique. « Tous les lieux n’ont pas une sommellerie dédiée, et l’une de mes missions consiste à former au conseil les salariés de ces points de vente en particulier, ainsi qu’à superviser leur carte des vins, de manière à ce qu’elle soit cohérente et bien positionnée », confie l’ancien chef sommelier de l’Hôtel de Paris Monte-Carlo. Par ailleurs, son « nouveau rôle est de recréer du lien avec les vignerons, de renforcer nos relations », une démarche qui implique une parfaite connaissance des différents terroirs viticoles français. Son expertise et son expérience ont fait du nouveau “Monsieur Vin” de la Société des Bains de Mer, l’un des personnages incontournables de l'œnologie et de la sommellerie à Monaco.
« 90 % des vins dégustés dans nos établissements sont originaires de la Provence, de Bordeaux, de la Bourgogne et de la Champagne », inventorie Patrice Frank. Des régions qui constituent aujourd’hui l’essentiel des destinations que parcourt le chef sommelier exécutif. « Bâtir un relationnel est important dans cette mission : les vignerons sont des paysans, au sens noble du terme, qui veulent connaître ceux à qui ils vendent leur production », précise-t-il. Aussi, sa tâche consiste à rencontrer, dix jours par mois, celles et ceux qui font le vin français. 4 à 5 jours en Bourgogne, un détour par Porto, un aller-retour à Châteauneuf-du-Pape… Dans ses itinéraires, Patrice Frank multiplie les destinations, en essayant de privilégier ce rapport humain indispensable à la mise en valeur des plus beaux crus.
« Accompagner, discuter, créer du lien, parfois pour augmenter nos commandes de 3 à 6 bouteilles… Cela peut paraître dérisoire par rapport aux volumes qu’une grande société brasse, mais nous devons aussi privilégier des étiquettes incontournables que l’on se doit d’avoir », explique celui qui cherche à suivre à la fois les petits vignerons qui font face, parfois, aux aléas climatiques, et les grandes maisons aux quantités très limitées, telles la Romanée-Conti ou Pétrus. Une ouverture d’esprit et une connaissance de l’ensemble des métiers du vins, de la production au service, amènent Patrice Franck à faire valoir l’excellence des établissements de Monte-Carlo Société des Bains de Mer auprès des fournisseurs. Le tout en gardant toujours en tête la satisfaction du client final, venu à Monaco faire l’expérience d’un cru, d’un cépage, d’un millésime, dont il se souviendra peut-être toute sa vie !
Dans les caves de l’Hôtel de Paris Monte-Carlo sommeillent certaines des appellations et certains des millésimes les plus célèbres au monde. 150 ans d’excellence y vieillissent, dans des conditions superbes, pour faire honneur aux crus de prestige. Patrice Frank se souvient de moments à part, passés au sein de ce temple de l’œnologie : « Nous avions organisé un dîner exceptionnel pour deux personnes, une demande en mariage, durant laquelle étaient servis deux très célèbres millésimes du Château Margaux, 1929 et 1989 ». Pour le chef sommelier exécutif, la mission de prospection et le travail régulier avec les vignerons fondent l’avenir de ce type de dégustations exceptionnelles. Et anticiper le développement du vin une fois celui-ci rangé en cave fait partie du métier, comme le résume Patrice Frank : « Dans cette partie 'achats' du métier de sommelier, il y a finalement peu de vins que je choisis aujourd’hui que je verrai sur une carte à maturité. »
Avec des vins arrivant à maturité au minimum cinq ans après leur achat, et aussi des vins de garde capables de s’exprimer des décennies durant, l’anticipation figure en effet parmi les qualités indispensables de ce type de démarche. L’ancien rugbyman précise : « nous sommes capables de boire des vins qui ont 80 ans, mais nous n’avons aucune idée de ce qu’ils avaient comme saveur il y a 79 ans, et donc mon métier consiste à acheter, à l’expérience, ces vins qui, acquis aujourd’hui seront toujours qualitatifs dans huit décennies. »
« À 55 ans, avec les exigences physiques qu’impose la salle, il me semble que cette nouvelle mission tombe à un bon moment. » Patrice Frank reconnaît que le contact avec les clients lui manque déjà, même si c’est désormais auprès des vignerons qu’il noue de nouvelles relations. « En salle pendant 23 ans, j’ai connu les enfants de certains habitués, et aujourd’hui je me dis qu’aujourd’hui j’achète les vins que boiront les enfants des clients les plus jeunes. » Pour autant, ce grand passionné de vins envisage son rôle avec humilité avant tout : « Notre métier n’est jamais rébarbatif, parce que tout ce qu’on connaissait d’un millésime évolue de manière significative l’année suivante, ce qui implique d’apprendre toujours davantage pour proposer une offre d’excellence. »
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