Publié le Janvier 21, 2022Mis à jour le Juin 19, 2023
Le 9 janvier 2022, Stefano Brancato quittait officiellement la direction du Café de Paris Monte-Carlo après y avoir tenu la barre pendant presque 30 ans. Une page se tourne et une nouvelle s’ouvre avec l’arrivée d’Éric Gorjux à la tête de la célèbre brasserie de la place du Casino. Entre souvenirs et émotions, retour sur la carrière intense et passionnée de l’une des figures incontournables de Monaco.
Si vous deviez résumer en quelques mots vos 42 ans de carrière monégasque...
Stefano Brancato : Je suis arrivé pour la première fois à Monaco à la fin de l’année 1979, après avoir passé deux ans à Londres. Puis je suis parti travailler au Richemont à Genève pendant presque un an. J’ai rejoint la Société des Bains de Mer en 1980, comme chef de rang à l’ex-hôtel Mirabeau, au restaurant étoilé La Coupole. En 1994, je suis devenu assistant de direction de la brasserie du Café de Paris Monte-Carlo avant d’en prendre la direction l’année suivante.
Quels challenges deviez-vous relever ?
S.B : Avant tout, assurer la continuité avec mon prédécesseur pour préserver l’identité historique du Café de Paris Monte-Carlo, et gérer l’administration en cuisine. Un beau défi ! Il y avait déjà 144 employés qui travaillaient dans l’établissement. Nous sommes montés à 200 personnes, voire 230 en saison. Le Salon Bellevue, au 1er étage, n’était alors qu’une petite terrasse. Nous l’avons agrandi pour pouvoir y créer un service « banquet ». Nous avons développé l’offre de la partie bar, ainsi qu’une restauration à thème tout au long de l’année. Beaucoup de travail, mais autant de plaisir.
Un travail d’équipe ?
S.B : Mon objectif premier était de faire adhérer les équipes au nouveau projet. Bien sûr cela prend toujours un peu de temps mais nous avons su nous adapter, innover, année après année, que ce soit en cuisine comme en salle. Ma priorité, toujours, améliorer la satisfaction du client. Cela se joue souvent à de petits détails mais des détails qui comptent...
Par exemple ?
S.B : Le sourire, le professionnalisme, ne pas hésiter à être force de proposition et puis, bien évidemment, une qualité de service adaptée avec une maîtrise poussée dans chaque domaine, qu'il s'agisse des cocktails, des plats, des accords mets-vins... Dans un tel établissement, nous ne pouvons pas nous permettre de répondre « je ne sais pas » ou « un instant, je me renseigne ». Nous devons toujours être à la hauteur de nos exigences en matière de service.
Des événements dont vous gardez un souvenir particulier ?
S.B : Nous en avons organisé énormément ! Mais je me souviens de nos « journées brésiliennes » avec des écoles de samba qui investissaient tout Monaco. Des danseurs et musiciens partout dans la Principauté, sur les plages, au Palais... Toute la semaine, nous avions proposé des spécialités brésiliennes. Et puis, comment ne pas évoquer la semaine de l’Oktoberfest que nous organisons depuis 2015. J’aime son atmosphère chic et conviviale. Ce n’est pas tout à fait comme à Munich (rires) ! Nous ne sommes pas 5000 sous une tente, plutôt autour de 400-500 personnes par soir. Nous avons su donner un certain cachet à ces soirées sur la place du Casino où les convives appréciaient de se retrouver. Une drôle de rencontre entre Monaco et Munich. Très dépaysant.
Qu’est-ce que l’âme du Café de Paris Monte-Carlo pour vous ?
S.B : C’est un lieu chargé d’histoire. Plus de 150 ans. Différentes rénovations dont la dernière date de 1988. Il fallait respecter et valoriser cet héritage. Ne pas s’interdire d’évoluer, mais avec retenue. Toujours en phase avec son époque. La brasserie du Café de Paris Monte-Carlo reste un restaurant classique soucieux de maintenir un certain standing. Petit à petit, je me suis imprégné de cet esprit qui, au-delà d’une carte, passe aussi par un grand respect pour le personnel. Si le personnel se sent bien dans son travail, qu’il sait et qu’il aime ce qu’il fait, le client se sentira bien. C’est essentiel ! Ce qui compte, c’est la continuité dans le service. Les clients viennent juste prendre une salade, un verre de vin ou un dessert, en toute simplicité. C’est un établissement profondément monégasque. Un lieu où les « enfants du pays » aiment à se retrouver tout au long de l’année.
Pour quelles spécialités viennent-ils ?
S.B : Le foie de veau préparé à la planche en toute simplicité, à l’échalote ou accompagné de petites tranches de bacon croustillant, avec une très bonne pomme purée maison. La soupe de poissons de roche avec rouille et croûtons avec son côté bouillabaisse, ou encore la soupe gratinée à l’oignon. Nous avons tous ces trésors venus de la Méditerranée tels que la dorade, le loup. Et en automne, ce sont les fruits de mer qui prennent le relais dans les assiettes : huîtres fines de claire, perles de Monaco ou Gillardeau, oursins, homards, langoustines, crevettes, bulots, palourdes...
Et la fameuse crêpe Suzette…
S.B : Un incontournable gourmand du Café de Paris Monte-Carlo. Un dessert signature qui remonte à la fin du XIXe siècle. On le doit au prince de Galles, futur roi d’Angleterre Édouard VII, qui était venu dîner accompagné d’une charmante jeune femme. Au dessert, le chef avait choisi de préparer sous les yeux du prince des crêpes à la liqueur, jus d’orange, sucre et beurre. Mais le contenu de sa poêle s’est malencontreusement enflammé. Le prince, enthousiasmé par ce spectacle, a alors choisi, avec grande galanterie, de baptiser cette recette du nom de la jeune dame qui l’accompagnait : Suzette. Depuis, on continue de proposer la Crêpe Suzette en salle.
Comment envisagez-vous l’avenir du Café de Paris Monte-Carlo ?
S.B : Il s’agira de trouver cet équilibre délicat entre tradition et innovation. Équilibre qui fait toute l’identité du lieu. Le Café de Paris Monte-Carlo reste une marque. Il ne faut pas oublier son histoire tout en innovant par petite touche, en s’adaptant à notre époque et aux attentes des clients. Sans le client, nous ne sommes pas grand-chose. Et en tant que directeur, sans le personnel tout autour de nous, nous ne sommes pas grand-chose non plus. Je souhaite d’ailleurs le meilleur et toute la réussite possible à mon successeur Éric Gorjux. Qu’il prenne autant de plaisir que j’en ai pris pendant toutes ces années à la tête de ce formidable établissement. Qu’il apporte sa propre personnalité. C’est un grand professionnel, je suis tout à fait confiant.
Un souvenir que vous avez emporté avec vous ?
S.B : J’ai eu de très beaux jours au Café de Paris Monte-Carlo et j’ai reçu énormément de signes de reconnaissance de la part de mes pairs tout au long de ma carrière, ainsi que de nombreux témoignages de soutien. Je pars après avoir eu les honneurs de S.A.S le Prince Albert II de Monaco qui a pris le temps de venir me voir pour mon dernier jour. Beaucoup d’émotions. Quitter ses clients les plus fidèles, c’est un peu quitter sa famille. J’ai passé plus de temps au Café de Paris qu’à la maison ! Je vais maintenant passer à autre chose. Le Café de Paris Monte-Carlo aussi. Mais bien sûr, quand l’établissement sera prêt pour sa « nouvelle vie », je viendrai voir ce qu’ils ont fait de beau !
Votre premier souvenir du Café de Paris Monte-Carlo ?
Éric Gorjux : Je suis arrivé en 1992 à Monaco, depuis mon petit village de Corse. Je rejoignais mon père qui y travaillait et le premier endroit où nous sommes allés, c’était sur la terrasse du Café de Paris Monte-Carlo pour boire un café. J’avais 22 ans, j’étais émerveillé par ce que je voyais. Je me demandais comment on pouvait faire pour y travailler et 30 ans après, je me retrouve aux commandes du Café de Paris… Il faut croire en ses rêves !
Qu'avez-vous ressenti quand on vous a proposé le défi de reprendre la Maison ?
É.G : Beaucoup de joie, de réflexion et d’appréhension. On est dans la lumière de suite, mais j’ai la chance d’avoir le soutien de Monte-Carlo Société des Bains de Mer. Je lui dois
beaucoup, elle m’a fait confiance pour mes expériences passées et j’ai une relation de confiance. Au-delà de l’appréhension, l’envie et le challenge ont largement pris le dessus. Construire quelque chose de plus décontracté tout en gardant la rigueur qu’il faut pour gérer un tel établissement.
Quelques mots sur la période de transition que va connaître pour un an le Café de Paris Monte-Carlo ?
É.G : Le 28 février, la brasserie va fermer. Le Limonadier restera ouvert, mais on va transférer la partie restauration dans la Salle Empire début mars. C’est une salle emblématique, chargée d’histoire. On va y mettre tout notre savoir-faire pour satisfaire la clientèle de l’hôtel et attirer aussi les curieux qui ne venaient plus ou ne venaient pas au Café de Paris. Nous allons travailler de concert pour la réouverture prévue en juin 2023.
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